Vendanges 2008
Les vendanges sont terminées, la fatigue est là, mais le bonheur aussi. La même question nous est posée tous les jours : êtes-vous contents ? notre réponse est toujours la même : quand on s'est vu promis à l'Enfer, n'est-ce pas un bonheur inouï de se retrouver proche du Paradis ?! Le "miracle bourguignon" s'est une fois de plus réalisé, mais jusqu'au 13 septembre, le millésime 2008 restera comme un concentré de la difficulté qu'il y a à être vigneron en Bourgogne... Un millésime difficile à mettre au monde, un véritable défi proposé par la Nature, mais des vins qui finalement récompenseront les efforts fournis au cours de l'année.
Après un hiver plutôt froid, surtout en février et mars, le cycle végétatif de la vigne va commencer nettement plus tard que l'an dernier. Avril est resté froid en comparaison de 2007 et surtout plus humide. Mais c'est juste avant Pâques, quand le vent d'Ouest a soufflé pendant tout le week-end des Rameaux, que nous avons compris que l'année serait difficile. En effet le vent des Rameaux, c'est pratiquement chaque année le vent dominant de l'année. Or le vent d'Ouest amène la pluie et il nous faisait savoir à l'avance que 2008 serait un millésime ardu.
Toutefois, au même moment, le printemps frais créait beaucoup de millerandage (petites baies) et construisait des grappes aux petites baies lâches, typiques du Pinot dans sa meilleure expression et prêtes à donner un grand millésime.
La floraison fut tardive par rapport aux derniers millésimes. Commencée le 1er juin, elle dura pratiquement trois semaines, ce qui, deux mois plus tard, eut bien sûr pour résultat une véraison qui traîna, elle aussi, sur trois semaines, facteur peu favorable à une maturation égale des baies. Mais le raisin gardait sa structure "grand millésime".
Malheureusement, en juin, juillet et août, le vent d'Ouest n'a pas arrêté d'apporter des pluies fréquentes et on vit se succéder les attaques des ennemis habituels : mildiou, oïdium et, à partir d'août, le botrytis. Grâce à la vigilance de tous les instants de notre équipe de vignes, nous sommes néanmoins parvenus à lutter plutôt efficacement tout en restant dans le cadre exclusif de nos méthodes biologiques. C'est à dire qu'il fallait être prêt à intervenir chaque jour où le temps nous offrait une "fenêtre" un peu plus clémente. Tout faux pas aurait été immédiatement sévèrement puni.
La dernière et très vicieuse attaque de la Nature eut lieu sous la forme de pluies importantes pendant la 2ème semaine de septembre. Le botrytis progressait dans des raisins à peaux assez fines et, si ce type de temps avait continué, nous courrions le risque, sans exagérer en aucune sorte, de perdre la récolte entière. Mais, c'est à ce moment-là, qu'une fois de plus le "miracle bourguignon" est venu à la rescousse et nous a sauvés.
La pluie s'arrêta totalement le 13 septembre. A partir du dimanche 14, le vent du Nord s'établit, un vent fort, froid, qui a ranimé l'espoir aussi bien dans nos coeurs que dans la vigne. Avec ce vent du Nord, vint une succession de nuits froides et de jours lumineux, Ce qui eut pour effet de hâter la maturation par photosynthèse, de concentrer dans les raisins les sucres et les acidités, et surtout d'arrêter le botrytis et de sécher les parties de grappes atteintes. C'est ainsi que sous cette action de la lumière et du vent du Nord, nous vîmes des élévations de degrés très rapides et une concentration des acidités, tout à fait comme nous l'avions constaté en 1996 et avec les mêmes effets.
Nous avons attendu jusqu'à la fin septembre pour vendanger afin de laisser le raisin bénéficier aussi longtemps que possible du vent et du soleil qui guérissaient ses blessures et, quand nous avons décidé d'attaquer les vendanges, le 27 septembre, la vigne était à la fin de son cycle végétatif. Il n'y avait plus rien à gagner. Le botrytis bien sûr était toujours là, mais à l'état sec et ce fut le challenge que nous avons proposé à notre équipe de vendangeurs : s'astreindre au tri style "haute-couture" auquel nous les avons entraînés toutes ces dernière années et qui, cette année, demandait à être mis en oeuvre avec la plus grande rigueur.
Ce fut un travail difficile qui nous a demandé à tous une attention de tous les instants et nous avons laissé à la vigne ou à la table de tri un pourcentage important de l'ordre de 30 à 40 % de la récolte. Mais les petites grappes à petites baies, complètement indemnes du botrytis, que nous avons envoyées vers les cuves, étaient parfaitement mûres, typiques du Pinot noir le plus fin et, avec leurs beaux degrés et leurs acidités élevées, elles portaient en elles tout le potentiel pour faire des vins de grande garde.
Il est certain qu'avec un peu plus de chance ou d'aide de la part du temps, la qualité des raisins présentés par la vigne aurait pu faire de 2008 l'un des plus grands millésimes de ces dernières années. Nous avons néanmoins la certitude d'avoir sauvé le « coeur » de la récolte et que les raisins que nous avons mis en cuves montreront sinon la totalité, au moins une grande partie du potentiel du millésime.
Les vignes ont été vendangées aux dates suivantes avec les rendements approximatifs suivants :
Dates de vendanges Rendements
Echezeaux ......................... 04-05-06/10 ....................... 18 hl/ha environ
Grands-Echezeaux ............ 04/10 ................................. 19 hl/ha environ
Romanée-St-Vivant .......... 30/09, 01-02/10 .................. 18 hl/ha environ
Richebourg ........................ 29 et 30/09 ........................ 15 hl/ha environ
La Tâche ........................... 27-28 et 29/09 .................... 16 hl/ha environ
Romanée-Conti ................. 30/09 ................................. 16 hl/ha environ
Le Montrachet a été vendangé le 1er octobre.
Contrairement aux vins rouges où la récolte est extrêmement réduite, comme indiqué plus haut, la récolte est normale en Montrachet (environ 40 hl/ha). Il y avait du botrytis noble, beaucoup de raisins millerands et le résultat est une concentration en sucre très élevée. 2008 devrait produire de grands vins blancs et notamment un très grand Montrachet.
Les vinifications ont été exemplaires. Les raisins étant entrés très froids, toutes les cuves ont mijoté pendant une bonne semaine avant de démarrer franchement leurs fermentations. Celles-ci se sont déroulées sur trois semaines et aussi idéalement que peut le rêver tout vinificateur : montée lente et régulière des températures, bonne extraction de la matière colorante, cuverie envahie de beaux arômes pénétrants. Nous avons retrouvé là une sérénité à laquelle l'année dans les vignes ne nous avait pas habitués.
Nous avons attendu les premières décuvaisons, actuellement en cours, avant de vous adresser ce rapport. Les robes sont d'un rouge vif et très sain. Les arômes sont fins, délicats, nobles. En bouche les premiers vins tirés montrent de la minéralité et une matière qui ne manque pas de profondeur. Le vent du Nord se manifestera peut-être par une certaine fermeté, mais c'est en vérité après les fermentations malolactiques - que nous ne voulons surtout pas hâter - que l'on pourra juger de l'équilibre final.